Lorsqu’il m’a été proposé de participer à une exposition à l’occasion de l’anniversaire de la Commune de Paris, j’ai clairement refusé. J’étais sans doute rebutée par l’impression de devoir rejoindre un groupe de militants s’offrant l’opportunité d’exprimer leurs préférences politiques. Le problème est que le mélange des genres ne me convient pas. Puis, arrive le « fléau », décrété comme tel, suivi d’une cohorte de mesures chaotiques de toutes sortes et plus ou moins annoncées, un vomissement médiatique continu, un étranglement émotionnel délirant le tout dans un contexte économique , social et environnemental déjà désastreux. Et là me vient l’envie de respirer consciemment avec application et en serrant les dents, et je m’aperçois que j’ai de la fièvre. Agacée par la seconde tentative de me faire participer à cette exposition thématique, je relie un ou deux textes relatifs à la période, puis 5, puis 20, et encore… des analyses, articles, témoignages, etc. Je redécouvre, et je perçois une résonance, un écho émotionnel et enfin je comprends ma fièvre. Rien d’autre qu’une immense colère, brouillonne, étalée comme un tapis de braises…je lis et relis des pans de cette histoire, j’y perçois des similitudes. Un événement, sans doute celui de trop, une flamme qui prend forme cohérente, puis des scories qui se dispersent retombant sur des problématiques diffuses mais concrètes, un brasier mettant en lumière une pléthore de souffrances, d’injustices et d’inégalités…j’en serai…parce que ces colères me parlent et que cette expo est plus que pertinente.
LA RAGE
Plongez dans les archives historiques,les analyses et commentaires nombreux et divergents sur cet épisode malheureux et il y a des risques que vous en ressortiez confus, perplexes, perdus dans des points de vues multiples qu’ils soient de l’époque ou non. Je m’y suis plongée et j’ai juste pris la température d’un chaudron furieux, débordant de colères et de frustrations. Des colères au pluriel, confinées à la rage et au désespoir…Là, j’ai trouvé des points de concordances émotionnelles qui me relient aujourd’hui à ce cauchemar d’hier. Aujourd’hui, éveillée, consciente de mon environnement et des enjeux qui nous pressent et nous manipulent, j’oublie parfois le motif premier de ma colère.
Les colères sont un amoncellement aléatoire construit comme une barricade. Un mur hirsute, chaotique, devant protéger mais finalement si menaçant d’objets durs et contondants, prêts à se retourner contre nous.Des empilements d’injustices, d’absurdités, d’oppressions jetées les unes sur les autres.
Je ne sais plus parfois pourquoi je suis en colère…L’êtes-vous, en colère et savez-vous exactement toujours pourquoi?Avez-vous même la capacité à l’être, en colère? Avez-vous la force de vous révolter sans être submergé par cette barricade de rage qu’il nous faut chevaucher pour garder le contrôle de nous-mêmes, et dominer de toute notre hauteur pour voir plus loin quelque chose de bon et de bien à l’horizon?
CAÏN
Il dit, fatigué, l’œil éteint…
« L’Histoire est une sorte de folle arrogante feignant d’être égarée dans un cimetière immense.Nos trous de mémoire sont nos fosses communes, toutes remplies par l’oubli et le temps. Elle,…elle déambule voilée entre nos tombes, elle tourne en rond reprenant à l’infini des sentiers parcourus bien avant… »
Il était fatigué. Ereinté par sa mémoire, accablé par sa culture, affligé par son humanité…
LE CLOU
Si nous étions des clous…
On tape sans cesse sur cet artefact modeste si essentiel aux constructions ordinaires, on tape, on cogne, on écrase, on l’arrache même lorsqu’il dévie pour une obscure raison au regard de celui qui frappe…Sale clou, insignifiant, résistant et même contrariant, qui creuse avec docilité son propre trou jusqu’à soudain refuser sa propre rectitude…
Un monde de clous, des clous pour bâtir des maisons, des ponts, fixer, accrocher, suspendre…des clous pour crucifier les martyrs, fermer les cercueils, condamner les issues…
Reste en place! Reste à ta place!Ne bouge pas…sois conforme à ce que tu es pour l’éternité.
Pauvre clou.
Mais nous ne sommes pas des clous.
L’ARDOISE – Acrylique / assemblage/65X50 cm
Une œuvre sur le rapport au temps, à la mémoire et au sacrifice. Une réflexion sur ceux dont nous sommes les héritiers, pour se souvenir qu’aucun droit n’est jamais acquis définitivement.
Le nombre de jours, officiellement comptés, qu’a duré la Commune.
Le nombre de victimes officiellement retenu.
Le mur des fédérés: Le nombre de fusillés dans le cimetière du Père- Lachaise à Paris.
Exposition
LA COMMUNE de PARIS – Du 25 septembre au 4 octobre 2020 – ABBAYE de PREBENOIT – 23270 BETETE-
Evolution…Une rencontre et une proposition d’exposition font que je renoue avec l’instinct. J’ai peint suite à des conversations sur les réseaux sociaux tournant autour des femmes, statut, sexualité, culture. J’ai juste peint ce qui me venait à l’esprit , entre image et réflexion. J’ai compris sur cette série ce dont j’avais besoin…arrêter d’anticiper sur un résultat.