Affiche ci-dessus : Conception graphique / Helen Burgoyne
EN 2021, une artiste graphiste Helen Burgoyne m’a invitée a participer à son initiative personnelle, une exposition en extérieur abritée dans le lavoir du village de Dun-le-Palestel (23800). Un principe simple, un artiste , un format carte postale, un thème imposé et une technique libre pour une oeuvre cédée à l’évènement. L’expérience, commencée petite, qui a suscité la curiosité du public et les participations spontanées d’artistes locaux et étrangers, est reconduite tous les ans. Cela montre tout l’intérêt de sortir des sentiers battus et que les initiatives indépendantes occupent une place de choix dans le paysage culturel.
« GIS LA LASTA GUTO » (Esperanto) Traduisez » C’était la dernière goutte « … En 2021, l’exposition était dédiée à l’élément EAU. Une posture écologique qui invite évidemment au recyclage (Ici, chute de contreplaqué, reste d’argile, et déchet de CD). Des années de sècheresse qui dessinaient des crevasses dans la boue pétrifiée des points d’eau fantômes, la Creuse, le pays vert et bleu, n’était pas épargnée et nous savions que ce phénomène devenu répétitif prendrait en ampleur. Aucun discours ici n’est utile…de mon point de vue, si sobriété et raison prenaient le dessus sur nos comportements abusifs et prédateurs, il serait alors plus juste de parler de restriction financière individuelle que d’intelligence collective.
EXPOSITION 2022 – La TERRE est à l’affiche de l’Art au Lavoir – Les temps s’assombrissent il me semble, coupes rases, incendies…Les catastrophes écologiques s’enchaînent et des visions de cauchemar envahissent les médias. L’arbre est tout.
EXPOSITION 2023 – …LE FEU.
Je prends le pli de ce rendez-vous avec plaisir. En revenant sur mes 2 participations, je décide de faire de ces hasards artistiques un schéma de construction. Je conserverai une taille similaire et un support identique (les chutes ne manquent pas) pour exprimer mes « micro-manifestes »).
« UP TO YOU » ( Trad : A toi/vous de voir)
Encore cette inconstance individuelle versus discours (officiel) collectif qui me taraude. Nous arrivons à l’été, et les serpents de mer médiatiques ressortent en longues et pénibles litanies : feu de jardin, cigarette en forêt, BBQ sauvage,… et j’en passe sur la consommation de l’eau, …Faites, ne faites pas…du bon sens noyé dans l’infantilisation, de la prévention qui frôle la provocation pour un adulte qui se jugerait doté de quelques neurones. Prescriptions, injonctions, répressions ( vraiment?) baignant dans des exceptions, des privilèges, des passe-droits, on s’arrange, on argumente, on s’offusque… La relance estivale des scandales devant lesquels nous restons finalement figés. Le temps que nous n’avons plus nous presse…ça dépend de nous.
EXPOSITION 2024 – L’AIR
Le dernier des 4 élements explorés.
« L’INVISIBLE ESSENTIEL à NOS VOEUX »
Ue déclaration d’amour volatile en référence à la citation d’Antoine de Saint-Exupéry extraite du Petit Prince « On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux ». J’ai abordé les expositions thématiques proposées par Helen Burgoyne sous l’angle de mon rapport personnel à l’environnement. Moi, pauvre créature, j’y projette ma survie physiologique mais pas uniquement. J’y mets aussi tout ce qui est idéal, impalbable. Les sentiments, l’âme, le lien au vivant. Rien de constant, tout y est mouvant, indéfinissable et sûrement spirituel. L’alchimie de l’oxygène, du vent, de la poèsie de l’air. Toutes ces choses invisibles et nécessaires qu’on aimerait protèger dans un flacon de verre, un échantillon salvateur à garder sur soi. Mais non…il faut qu’elles se diffusent, qu’elles emplissent tout l’espace disponible pour exister. Je fais le voeu qu’elles ne soient jamais viciées, afin que la vie continue à être respirable.
Ci-dessus : SOMNUS – Acrylique et papier de soie – Collage sur toile – 40×50 cm
Ici sont les parenthèses du réel dans lesquelles il me plaît de me réfugier.
Il y a beaucoup à dire et à explorer sur le sommeil, cet état si particulier qui nous ressource, mais aussi nous tourmente. Pour ma part, c’est une porte que je referme volontiers entre le monde et moi. Le monde tel qu’il est aujourd’hui, auquel le sommeil, en tous cas le mien, oppose une infinité d’autres, et dans lesquels je ne suis jamais enfermée. Une complexité bien supérieure à ma phase d’éveil, telle, qu’elle échappe encore et de très loin à une dissection scientifique ou philosophique et ceci est salvateur. Un tiers de nos vies selon les experts. Un tiers où tout est possible, envisageable et sans conséquence autre de ce que j’en ramène et que j’en garde, un tiers rien qu’à moi, l’intimité ultime.
Observer le sommeil de l’autre c’est vraiment admettre de rester à la surface du sujet, planté sur le seuil. Bien sûr, il y a cette vulnérabilité certaine du corps qu’on a abandonné sur place, c’est un peu dérangeant mais il faut voyager léger.
Dormir et s’affranchir de tout, sans regret, ni culpabilité, sans sentiment de perte alors que, sait-on jamais, rien ne nous garantit d’en revenir.
J ‘aime les espaces blancs où personne ne peut me suivre.
Mes nuits sont des promenades froidement éclairées par la lune. Minuit est un passage pour l’esprit qui s’embrume. Qui croit ne pas dormir, pense, qui croit dormir rêve.
Dans la mythologie grecque, les Oneiroi , « Songes « , sont des divinités personnifiant les rêves.
« Parmi ses mille enfants, le sommeil choisit Morphée habile à revêtir la forme et les traits des mortels. Nul ne sait mieux que lui prendre leur figure, leur démarche, leur langage, leurs habits, leurs discours familiers. Mais de l’homme seulement Morphée représente l’image. Un autre imite les quadrupèdes, les oiseaux et les serpents (…). Les dieux le nomme Icélos, les mortels Phobétor. Un troisième, c’est Phantasos, emploie des prestiges différents.Il se change en terre, en pierre, en onde, en arbre; il occupe tous les objets qui sont privés de vie. Ces trois Songes, voltigent, pendant la nuit, dans le palais des rois, sous les lambris des grands ; les autres, Songes subalternes, visitent la demeure des vulgaires mortels. »
— (XI, 633-646 ; trad. GT Villenave)
L’échappée paresseuse posée sur une carte postale,Du soleil, tempéré par un souffle frais, importé de la côte, traversant la campagne.L’ombre incertaine dessinée sur la pierre, esquissée sur la peau. Des chants d’insectes , sûrement, une hypnose tacitement consentie jusqu’àl’endormissement. Juste en dessous de la ligne de flottaison de la conscience.
Facile, égoïste et délicieuse sieste.
Si lasse… silence et prends repos dans l’espace blanc,que tes colères et ta violence soient apaisées, pour le moment.
Ferme les yeux, reste conscient. Trop de colère et de bruit, trop de misère et d’ennui, tu dors … tu fuis. Repose-toi des autres et de toi-même. Sonde, perds-toi sans illusion. Flotte, vole, rêve, laisse-toi porter, construis sur des nuages, et marche tranquille.
Le vent est doux, le pied léger. Le théâtre se vide et personne à la ronde, ni dans les rues, rien dans la cité. C’est l’entre-deux heures, de ta vie si courte, semblable à toutes et à nulle autre pareille. Flotte, âme , navigue et moissonne, nourris-toi dans l’éther, envisage des merveilles, sans douleur, ni souffrance, aucun prix à payer.
Et reviens, reviens vers tes déceptions, tes bonheurs fugaces, tes ambitions vaines et tes euphories passagères.
Il n’y aura pas de douceur, ni de répit à ton réveil. Vois, et vis…mais quelle est ta vie rêvée ?
Voilà que le sommeil te prends et non pas l’inverse. Tu n’as rien décidé, à part rejoindre tes draps et d’y reposer ton corps. Aussi lent que ton souffle, il se glisse sous les toiles et enfin doucement, à mi-course de ta perte de conscience, il te laisse flottante au milieu de nulle part dans un brouillard gris et blanc. Embarquée dans ce vide tu choisis, de façon imprécise, d’esquisser une histoire à peu près réaliste. Une image transparente, un calque qui se dissout , remplacé par un autre plus flatteur ou plus doux. Retiens ce geste, ce mot indistinct, cette impression fugace. Ce n’est pas de cela dont tu te souviendras demain. T’en souviendras-tu d’ailleurs de ta virée nocturne ou de ta sieste impromptue ?
Trouver la paix par des chemins artificiels pour les agités, les tourmentés, prisonniers de la veille.
J’aime aller construire à l’infini sur les sables mouvants du sommeil, être happée et engloutie, sombrer, être en phase, remonter à la surface du réel avec des poignées de réminiscences. Claire et confuse, magnifique étendue protéiforme, bénie et horrifique, sources infinie d’illusions et de vérités.